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août 1944 : le temps de l'épuration

Avec la Libération vient aussi le temps de l’épuration et de la chasse aux collabos. Jean-Joseph Pastor a encore en mémoire les images de ces « jeunes femmes sur des estrades, avec des résistants qui les rasaient et peignaient la croix gammée sur leur crane». Pour ces jeunes maquisards, parfois la condamnation est sans appel : « pendant que les allemands nous tuaient, elles couchaient avec eux » commente une agent de liaison des maquis de l’Ain.

Avec l'arrivée des troupes alliées et françaises, se mettent très rapidement en place des mesures de justice à l'égard des collaborationistes de l'Etat Français. L’ordonnance du 26 juin 1944, relative à la répression des faits de collaboration, rend l’épuration possible en France. Il s’agit de « juger les infractions commises entre le 16 juin 1940 et le moment de la Libération, en vertu des lois en vigueur au 16 juin 1940, nonobstant toute législation en vigueur », mettant hors service toute la législation du gouvernement de Vichy. De leur côté, les Américains ont pris en considération la rudesse de l’occupation et le ressentiment possible des Résistants face à leurs oppresseurs. Le 24 juillet 1944, les unités se préparant à débarquer apprennent « qu’Eisenhower a personnellement dénoncer [les actes de représailles contre les familles des « courageux patriotes »] et promis de se venger contre les unités allemandes reconnues responsables ». Ainsi, les américains espèrent gripper une machine qui se mettra en place.

Si les Français Libres et les CDL disposent d'un arsenal juridique afin d'encadrer légalement l’épuration, des procédures expéditives ont largement lieu durant la première semaine du débarquement et ce jusqu'à Grenoble. Ainsi, le sud de la France voit se développer des tribunaux d'exception, là où la Résistance s'est montrée très active et la répression allemande terrible. A Marseille, dès le 30 août, le patri communiste, pourtant rallié au pacte germano-soviétique, « réclame une grande épuration immédiate » sous le simple soupçon d’avoir « été compromis de s’occuper du patri communiste » s’inquiète les RG. Rapidement, des gi's assistent à des exécutions de collaborateurs ou de soldats allemands accusés d'avoir commis des crimes de guerre. Si ils essayent de parlementer, en vain, les gi's n'éprouvent pas beaucoup de pitié pour les bourreaux livrés à la vengeance de leurs victimes. Toutefois, ces scènes de vengeances, ne sont pas de leur goût. Ainsi, lors de la libération de Nice, le capitaine Quinn du 551st bataillon parachutiste, est choqué de voir des collaboratrices battues et tondues. Alors qu'il tente de s'interposer, le maire de Nice le réprimande ; Quinn lui dépond « nous sommes venus pour vous aider, par pour vous voir brutaliser des femmes! ». Le dégoût de ces scènes de vengeances populaires choque aussi les Français Libres : « vers 8h le peloton [du 2e régiment de cuirassiers] est envoyé à la sortie de la Valentine [le 23 août] en flanc garde du groupement. Voici le premier spectacle navrant que nous voyons depuis notre arrivée : le passage à la tondeuse de femmes qui auraient couché avec des allemands...Nous sommes tellement stupéfaits que nous ne réagissons tout d'abord mais au bout d'un moment, nous sommes ecoeurés par ce spectacle et un camarade du 2° peloton n'en pouvant plus, grimpe sur son char, prend sa mitraillette et crie à la foule : "lachez ces femmes et dégagez immédiatement ou je tire dans les tas ».

Dès lors, sans empathie pour les collaborateurs, les militaires américains essayent de se pauser en médiateurs afin de rester dans les lois de la guerre comme à Aix-en-Provence, où le jour de la Libération, « se dressait dos au mur… un civil habillé seulement d’un costume noir… a ce moment là j’avais beaucoup de remords d’avoir ouvert le feu avec mon luger comme si j’étais un de ces FFI. Les FFI sont furieux avec leurs ennemis ! et je suis devenu furieux. Dans un second temps, je me sentais désolé pour cette créature nazie. Je n’aimais pas me sentir pris dans une vengeance contre un collaborateur nazi…un français libre trouvait que le collaborateur ne bougeait pas assez vite. Il plaça le canon de son mauser dans le cou du collaborateur et le menaça de tirer si il n’avançait pas plus vite…je poussais le mauser dont le canon heurta le mur…le FFI se recula et me suivit dans les escaliers, derrière le prisonnier » se souvient un soldat de la 3e division d’infanterie américaine. Des scènes similaires où les GI's s'interposent pour éviter des exécutions sommaires se reproduisent

Début septembre, les américains tirent les conséquences des événements arrivés lors de leur progression dans la vallée du Rhône. A Bourg-en-Bresse, ils mettent en place un commandant en chef de la sécurité militaire qu'ils installent à la préfecture. Ils font afficher un règlement de police militaire, imprimé sur place. Les américains imposent un couvre feu, s'en suit l'interdiction de circuler et de quitter son domicile sous peine de traduction devant un tribunal militaire.

Dès le mois d’octobre, les comités d’épuration et les cours de justice sont mises en place et fonctionnent. En janvier 1945, en Provence, le bilan est mitigé : « à force de faire de l'épuration et de rajeunir, on se prive de bons éléments et d'hommes d'expérience pour les remplacer par des jeunes plus riches d'ambition que de savoir » écrit de Marseille le général Didio, commandant régional des centres départementaux des prisonniers de guerre à Jean Brunon, le 17 janvier 1945.

Jérôme Croyet

docteur en histoire

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