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1944 : Marc Bloch est assassiné dans l'Ain

 

L'historien

Marc Bloch est né le 6 juillet 1886 à Lyon. Après des études secondaires à Paris, au lycée Louis-le-Grand, il entre à l'École normale supérieure en 1904. En 1908, il est reçu à l'agrégation d'histoire. En 1908-1909, il fait plusieurs séjours universitaires à Berlin et à Leipzig qui lui permettent de se familiariser avec les travaux et les méthodes de l'école historique allemande. De 1909 à 1912 il est pensionnaire de la fondation Thiers et publie ses premiers articles d'histoire médiévale. De 1912 à 1914, il est professeur d'histoire et de géographie aux lycées de Montpellier puis d'Amiens. En 1919, il est nommé chargé de cours d'histoire du Moyen Age à la faculté de Strasbourg. En 1920 paraît sa thèse de doctorat d'État, Rois et Serfs, un chapitre d'histoire capétienne, qu'il a soutenue en Sorbonne. C'est à la faculté de Strasbourg, où il devient professeur sans chaire en 1921, puis professeur d'histoire du Moyen Age en 1927, et où il va rester jusqu'en 1936, qu'il a accompli l'essentiel de son oeuvre d'enseignant et de chercheur. C'est là qu'il se lie d'amitié avec Lucien Febvre et qu'il fonde avec lui, en 1929, les Annales d'histoire économique et sociale. Marc Bloch est nommé dès 1937 professeur à la Sorbonne, puis, deux ans plus tard, maître de conférence.

Le 24 août 1939, malgré son âge et ses charges de famille qui le dispensaient des obligations militaires, il est mobilisé, sur sa demande, comme capitaine d'état-major. Il participe à la bataille des Flandres et réussi à passer en Angleterre mais, il revient aussitôt à Cherbourg pour contribuer au regroupement de l'armée du Nord en Bretagne. L'armistice rend ce nouvel engagement inutile et le 2 juillet 1940 il passe en zone non occupée, déguisé en civil.

Exclu de la fonction publique par les décrets de Vichy d'octobre 1940 contre les Français d'origine juive, il est peu après "relevé de déchéance ” avec une dizaine d'universitaires “ pour services scientifiques exceptionnels rendus à la France ” et détaché à l'université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. L'année suivante, la santé de sa femme exigeant un séjour dans le Midi, il obtient d'être affecté à l'université de Montpellier, malgré l'hostilité du doyen de la faculté des lettres qui ne fait guère mystère de ses sentiments antisémites. Après le débarquement des Américains en Afrique du Nord et l'invasion de la zone libre par les troupes allemandes, il est obligé de se réfugier à Fougères dans la Creuse où il possède une maison de campagne.

En 1943, March Bloch entre dans la vie clandestine et adhère au mouvement "Franc-Tireur". Il devient membre de son directoire national. A Lyon, il est désigné comme délégué du mouvement "Franc-Tireur" au directoire régional des "Mouvements unis de la Résistance" (MUR). Sous les pseudonymes successifs de "Chevreuse", "Arpajon" et "Narbonne", il déploie une grande activité : il met en place les Comités de Libération de la région de Lyon. À Paris, il collabore activement à la revue Les Cahiers politiques, organe du CGE.

Il est arrêté par la Gestapo le 8 mars 1944, torturé et incarcéré à la prison de Montluc.

 

L'apport à L'historiographie

L'entre-deux-guerres constitue pour lui une période d'intense activité éditoriale. Dès 1924, il a publié Les rois thaumaturges analysant la croyance en le pouvoir de guérisseur des rois de France et d'Angleterre. L'historien Jacques Le Goff, spécialiste d'histoire sociale, estime qu'il renouvelle alors “ l'histoire politique en montrant comment symbolique et rituel (comme dans les sociétés dites primitives) sont un des grands instruments du pouvoir et comment la psychologie collective est un domaine essentiel pour comprendre l'histoire des sociétés ”. En 1931, il publie Les caractères originaux de l'histoire rurale française puis en 1939-1940 les deux volumes de La société féodale dont le chapitre consacré aux “ façons de sentir et de penser ” et à la “ mémoire collective ” est plus particulièrement novateur. Marc Bloch semble influencé par l'historiographie allemande mais aussi sans doute par son séjour dans les tranchées qui redonne à l'homme sa place dans l'histoire. Cette somme ne pourrait, tous comptes faits, n'intéresser que les spécialistes et ceux qui aspirent à le devenir. En revanche, dans l'Étrange Défaite, rédigé de juillet à septembre 1940, destiné à n'être publié que dans une France libérée de l'occupant et publiée en 1946 par les soins du mouvement Franc-Tireur, Marc Bloch analyse avec une incroyable précision les raisons du désastre qui a frappé la France. Lucide, il situe les responsabilités, décrit les manquements, met en lumière lâchetés et trahisons. C'est en 1946 qu'est publié l'Etrange défaite ; trois ans plus tard, Lucien Febvre sous le titre Apologie pour l'Histoire ou métier d'historien éditera un essai de Marc Bloch laissé inachevé ; essai que complétera plus tard son fils aîné Etienne Bloch en utilisant des inédits. Idée directrice : l'histoire n'est pas la science du passé mais celle des “ hommes en société dans le temps ”, une histoire “ humaine ”, une histoire totale des hommes. Son oeuvre reste forcément inachevée : Marc Bloch avait décidé de se consacrer après la guerre aux problèmes de l'enseignement de l'histoire. Et à la situation de l'histoire face au futur... C'est ce qu'il fait, au sein du Comité Général d'Etudes du Conseil National de la Résistance, en prônant une révolution totale de l'enseignement.

 

Martyr de la République

Le 16 juin 1944 dans la soirée, il est extrait de la prison de Montluc, avec vingt-neuf autres prisonniers, conduit dans la nuit à une trentaine de kilomètres de Lyon. Il est abattu à la mitrailleuse par les Allemands, ainsi que ses camarades, dans un champ au bord de la route, à Saint-Didier-de-Formans. Sa femme décède le 2 juillet 1944 à Lyon, à l'âge de 50 ans, sans doute dans l'ignorance de la mort de son mari.

 

Jérôme Croyet

Docteur en histoire

 

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